> 21 janvier 2013

CHAQUE PARCELLE COMPTE !

ARTICLE PARU DANS LE MAGAZINE DE NATAGORA, QUI NOUS A ACCORDE L’AUTORISATION DE LE PUBLIER SUR NOTRE SITE

 

Depuis 1987 et le rapport de G. H. Brundtlant (officiellement intitulé Our common future, initié par la Commission mondiale sur l’environnement), le concept de développement durable et son succès au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 fondent désormais tout débat et toute action politique, économique ou sociale sur l’avenir de l’humanité et de notre planète. Mon propos aujourd’hui est de plaider pour une dimension importante de ce débat, un peu oubliée et fortement négligée, celle du territoire, de l’espace, de son occupation et de son aménagement, souvent désastreux.

En effet, la pressante nécessité d’une transition énergétique (le carbone fossile est limité, l’atome est dangereux) et, plus globalement, d’une transition économique (il est temps de mesurer que les ressources disponibles sont toutes limitées) tend à masquer que le territoire est lui aussi rare et malmené.

En Wallonie et à Bruxelles, la législation sur l’aménagement du territoire, et surtout la préparation et l’adoption des plans de secteur ou d’affectation du sol, avaient très fortement mobilisé les citoyens et suscité la mise en place d’un tissu associatif très actif sur ce sujet. Il s’agissait en effet d’affecter le territoire à des fonctions, et surtout à préserver les plus faibles d’entre elles. La mise en œuvre des plans de secteur a démontré combien ils avaient été généreux en espaces « à bâtir », tant pour l’habitat, le commerce et l’industrie, et surtout combien ils n’avaient pas intégré les structures de l’espace, ses paysages et ses éléments naturels. Aujourd’hui l’espace, et particulièrement l’espace ouvert, est toujours davantage lacéré de nouveaux lotissements — certains terroirs comme le centre du Brabant et le Pays de Herve paraissent bien devenir d’immenses conurbations d’où il n’est guère possible de s’échapper. Et chaque sortie d’autoroute paraît n’avoir qu’une vocation, celle d’accueillir une nouvelle zone commerciale, avec chaque fois les mêmes enseignes. Le tout dans une architecture ne s’inspirant que de la boîte à chaussures.

Au moment où le Code Wallon de l’Aménagement du Territoire est remis sur le métier, il nous faut affirmer clairement que chaque parcelle compte. Et que l’espace non bâti, agricole, forestier, naturel est aussi un espace à valeur ajoutée, et auquel nous tenons. Cet espace n’est pas obligatoirement à valoriser ou à développer dans le futur, et n’est pas un espace en attente d’être loti ou industrialisé. Au contraire, l’option la plus forte et la plus structurante de toute réforme du Code doit être de récupérer les espaces urbains et industriels délaissés, abandonnés ou presque, et de les remettre à la vie active, que ce soit au logement, au commerce ou à l’industrie. Cette politique de réinvestissements dans les anciens tissus urbains et industriels est une priorité. Elle doit mobiliser les moyens nécessaires, tant publics que privés. Entre-temps, toute autre parcelle sera préservée.

Emmanuël Sérusiaux
Président de Natagora